Actu MOC - avril 2025

Sommaire


Vosoritide : un consensus international pour accompagner son usage

L’achondroplasie, la forme la plus fréquente de dysplasie osseuse à membres courts (nanisme), est une maladie génétique rare touchant environ 1 naissance sur 25 000 à 30 000 dans le monde. Elle résulte d’une mutation du gène FGFR3, responsable d’une perturbation du développement normal des os. Jusqu’à récemment, la prise en charge reposait exclusivement sur un suivi multidisciplinaire et des traitements symptomatiques.

En 2021, une avancée majeure a changé la donne : le vosoritide, premier médicament ciblant la cause biologique de l’achondroplasie, a été autorisé chez les enfants. Ce traitement de précision, administré par injection quotidienne, agit en rétablissant le développement osseux en contrecarrant les effets de la mutation FGFR3.

Avec la généralisation du vosoritide dans plusieurs pays, un groupe international d’experts, réunissant médecins, chercheurs et associations de patients, a formulé une soixantaine de recommandations de bonnes pratiques pour guider son utilisation.

Parmi les points abordés :

  • Quand débuter le traitement et chez quels patients ?
  • Comment administrer et suivre l’efficacité du vosoritide ?
  • Quelle organisation des soins pour assurer une prise en charge optimale ?
  • Quels sont les critères d’arrêt et de surveillance après le traitement ?

Les nouvelles lignes directrices sur le vosoritide représentent un tournant majeur par rapport aux précédentes. Premièrement, elles intègrent un traitement pharmacologique dans la prise en charge de l’achondroplasie, là où historiquement les recommandations se limitaient aux soins de support et à la chirurgie. Jusqu’alors, les seuls moyens d’influer sur la croissance étaient les allongements osseux chirurgicaux (lourds, réservés à quelques cas) et l’utilisation off-label de l’hormone de croissance, dont l’efficacité était modérée et non unanimement reconnue. Désormais, le vosoritide fournit une option médicale validée pour augmenter la taille des enfants achondroplastes, comblant un besoin thérapeutique jusque-là inassouvi​. Cette transition d’une approche purement symptomatique vers une approche médicamenteuse proactive est sans précédent dans les référentiels de cette maladie.

Deuxièmement, le consensus met l’accent sur un dépistage de la maladie et un démarrage très précoce du traitement, y compris chez le nourrisson (ce qui n’avait jamais été envisagé auparavant). Désormais, on recommande d’aborder la question thérapeutique dès l’annonce du diagnostic (autour des 2 ans d’après les autorisations actuelles, et potentiellement plus tôt à l’avenir). Cette stratégie repose sur des données émergentes suggérant que traiter tôt pourrait non seulement maximiser la taille adulte, mais aussi avoir des effets positifs sur certaines complications

Étant donné qu’il agit sur les cartilages de croissance, son utilisation se limite à la période de croissance osseuse active. Les recommandations définissent plusieurs situations conduisant à l’arrêt du traitement, en insistant sur la nécessité d’anticiper et d’accompagner cette transition.

Troisièmement, ces recommandations innovent en prônant une approche centrée sur le patient et sa famille à chaque étape. L’implication directe des associations de patients dans l’élaboration du consensus a conduit à intégrer des notions comme le choix du patient, l’importance d’une information neutre et complète, et le respect du refus de traitement​. La mise en place d’un accompagnement spécifique, tel que le counseling destiné aux adolescents qui ne peuvent plus bénéficier du traitement, témoigne d’une volonté claire de n’exclure aucun patient du parcours de soins. Même lorsque le vosoritide n’est plus une option, une attention particulière est portée à l’explication et au soutien, afin que ces jeunes ne se sentent ni oubliés ni défavorisés. Parallèlement, l’accent mis sur l’éducation thérapeutique — qu’il s’agisse de la formation à l’administration des injections ou de la compréhension du profil de sécurité du traitement — illustre une approche centrée sur l’autonomisation des familles et la réduction de l’anxiété face à l’inconnu. Il s’agit de leur offrir les clés pour s’approprier le traitement de manière éclairée et sereine.

Quatrièmement, les experts proposent une véritable standardisation internationale de l’utilisation du vosoritide, en détaillant un cadre de suivi et de ressources minimales nécessaires. Cette harmonisation est particulièrement utile étant donné que le vosoritide est utilisé dans le monde entier désormais et facilitera le recueil de données comparables et le partage d’expérience entre centres.

Enfin, les nouvelles recommandations insistent sur les aspects pratiques et éthiques qui accompagnent l’introduction d’un traitement de longue haleine chez des enfants. On y trouve des éléments qui étaient absents des anciens guides, tels que la prise en compte des charges financières et organisationnelles pour les familles.

Pour en savoir + : International consensus guidelines on the implementation and monitoring of vosoritide therapy in individuals with achondroplasia.
Savarirayan R, Hoover-Fong J, Ozono K, Backeljauw P, Cormier-Daire V, DeAndrade K, Ireland P, Irving M, Llerena Junior J, Maghnie M, Menzel M, Merchant N, Mohnike K, Iruretagoyena SN, Okada K, Fredwall SO. Nat Rev Endocrinol. 2025 Jan 6. doi: 10.1038/s41574-024-01074-9.


Vosoritide en pratique réelle : les enseignements du programme d’accès précoce français

Depuis 2021, le vosoritide a ouvert une nouvelle ère dans la prise en charge de l’achondroplasie, en agissant directement sur la voie de signalisation FGFR3. Après des résultats positifs en essais cliniques, la France a été le premier pays à proposer ce traitement hors essai dans le cadre d’un programme d’accès précoce. Ce programme vient d’être évalué, et ses enseignements sont importants.

Un modèle d’organisation centré sur le patient
Mis en place via le réseau national des centres de référence pour les maladies osseuses constitutionnelles (MOC), ce programme d’accès précoce a impliqué 6 centres experts. Il visait les enfants de 5 ans et plus, atteints d’une achondroplasie confirmée génétiquement et avec cartilages de croissance ouverts.

Outre la logistique médicale, ce programme s’est aussi distingué par son approche éducative auprès des familles : livret de suivi, accompagnement infirmier au domicile et ateliers d’éducation thérapeutique ont facilité l’autonomisation et favorisé une bonne observance du traitement.

Des résultats encourageants en conditions réelles
Sur les 62 enfants inclus, 57 ont commencé le traitement entre juin 2021 et décembre 2022. Parmi eux, 22 ont été suivis pendant au moins 12 mois. Les résultats sont comparables à ceux des essais cliniques : une croissance annuelle moyenne de 6 cm, un gain moyen de 6,2 cm en taille, et une amélioration notable du score Z de taille. Aucun effet indésirable grave n’a été rapporté ; les effets secondaires sont restés bénins, essentiellement des réactions au site d’injection.

 Une dynamique à consolider
Ce programme français constitue une première démonstration de la faisabilité et de l’efficacité du vosoritide en pratique clinique courante. Il montre aussi qu’un réseau structuré permet un accès équitable et un suivi rigoureux sur l’ensemble du territoire.

À retenir pour les familles et les soignants

  • Le vosoritide est bien toléré et efficace sur la croissance linéaire dès les premiers mois d’utilisation.
  • Un accompagnement structuré est essentiel pour garantir observance et sécurité.
  • Les données à long terme sont attendues pour évaluer l’impact global du traitement (complications, qualité de vie, etc.).

Le programme en cours ACORN viendra compléter ces premiers résultats sur une période de 10 ans. Il est essentiel que les familles, les professionnels de santé et les institutions poursuivent cette collaboration pour accompagner cette transition vers une médecine de précision dans l’achondroplasie.

Pour en savoir + : Real-World Safety and Effectiveness of Vosoritide in Children with Achondroplasia: French Early Access Program.
Cormier-Daire V, Edouard T, Isidor B, Mukherjee S, Pimenta JM, Rossi M, Schaefer E, Sigaudy S, Baujat G.Horm Res Paediatr. 2025 Jan 25:1-9. 


Réparer la mâchoire cassée : une avancée majeure dans l’hypochondroplasie grâce à deux traitements ciblés

L’hypochondroplasie (HCH) fait partie des ostéochondrodysplasies, un groupe de maladies génétiques rares qui altèrent la croissance osseuse. Moins connue que l’achondroplasie, elle en est une forme plus modérée, causée elle aussi par une mutation dans le gène FGFR3. Cette mutation freine anormalement la croissance des os longs, mais aussi du crâne et de la face, entraînant parfois des anomalies nécessitant une chirurgie maxillo-faciale.

Mais que se passe-t-il quand un patient HCH se fracture un os de la mâchoire ? Jusqu’à récemment, on ignorait comment cette mutation affectait la capacité de réparation osseuse du crâne ou de la mandibule. C’est précisément ce qu’a voulu explorer l’équipe de l’Institut Imagine, sous la direction du Dr Laurence LEGEAI-MALLET avec la chirurgienne maxillo-faciale Dr Anne MORICE.

Leurs travaux, tout juste publiés dans Bone Research, montrent qu’un modèle murin d’hypochondroplasie présente une réparation mandibulaire très altérée : l’os se reconstruit mal, le cartilage de réparation se forme anormalement, et dans certains cas, la fracture ne se consolide pas (on parle de pseudarthrose).

À l’inverse, dans un autre modèle de maladie osseuse liée à FGFR2 (le syndrome de Crouzon), l’équipe a observé une minéralisation excessive de l’os réparé.

Pour corriger ces défauts, deux médicaments déjà connus pour stimuler la croissance chez les enfants atteints d’achondroplasie ont été testés : le vosoritide et l’infigratinib, tous deux conçus pour bloquer l’activité excessive du gène FGFR3.

Résultats ? Chez les souris HCH, les deux traitements ont réactivé un processus normal de réparation osseuse, avec une bonne formation du cal osseux et une consolidation efficace.

Une double promesse puisque ces résultats laissent espérer, à moyen terme, de nouvelles approches thérapeutiques pour améliorer la consolidation osseuse après fractures ou chirurgies chez les patients atteints de HCH et d’autres ostéochondrodysplasies liées à FGFR3.

Une nouvelle piste de recherche pour les anomalies craniofaciales et les fractures osseuses mal réparées dans les maladies rares du squelette !

Pour en savoir + : FGFR antagonists restore defective mandibular bone repair in a mouse model of osteochondrodysplasia.
Morice A, de La Seiglière A, Kany A, Khonsari RH, Bensidhoum M, Puig-Lombardi ME, Legeai Mallet L.Bone Res. 2025 Jan 21;13(1):12. 


Développement clinique du BPS804 dans l'ostéogenèse imparfaite : de l'échec à la réussite ?

L’ostéogenèse imparfaite (OI), aussi appelée « maladie des os de verre », est une maladie génétique rare qui rend les os très fragiles. Elle est souvent causée par des mutations dans les gènes COL1A1 et COL1A2, responsables de la production du collagène de type I, essentiel à la solidité des os.

Pendant longtemps, l’OI était surtout connue pour ses fractures fréquentes. Mais les recherches récentes montrent que c’est une maladie systémique, c’est-à-dire qu’elle touche d’autres organes et fonctions du corps : douleurs chroniques, sclères bleutées (blanc des yeux bleuté), fragilité des dents (dentinogenèse imparfaite), hyperlaxité articulaire, croissance ralentie, atteintes auditives, pulmonaires ou cardiovasculaires.

Aujourd’hui, 23 types d’OI sont répertoriés, chacun avec ses spécificités génétiques et cliniques.

De nouvelles pistes thérapeutiques
Bien que l’OI soit encore difficile à traiter, la recherche avance et identifie peu à peu de nouveaux leviers thérapeutiques. Les scientifiques ont découvert que dans l’OI, les protéines de collagène défectueuses peuvent s’accumuler dans les cellules, provoquant un stress cellulaire. Ce phénomène pourrait devenir une nouvelle cible pour les traitements, même si les mécanismes exacts restent à explorer.

Mais ce n’est pas tout : plusieurs voies biologiques anormales dans l’OI ont été identifiées, ouvrant la voie à des médicaments innovants.

Une approche prometteuse : bloquer la sclérostine
Le setrusumab (BPS804), un anticorps monoclonal qui inhibe la sclérostine, est une protéine qui freine la formation osseuse. En bloquant cette protéine, le setrusumab stimule la production d’os et limite sa destruction. Il a d’abord été développé pour l’ostéoporose, et est désormais testé dans l’OI.

L’essai ASTEROID : des résultats encourageants malgré un critère principal non atteint
Cet essai de phase 2b, a inclus 110 adultes atteints d’OI de types I, III ou IV. 

Les patients ont reçu 12 mois de traitement avec setrusumab (à trois doses différentes) ou un placebo. Le critère principal — l’amélioration de la densité osseuse trabéculaire au niveau du radius — n’a pas été atteint.

Mais d’autres résultats sont très positifs :

  • Amélioration significative de la force osseuse (stiffness et résistance à la fracture) à 8 et 20 mg/kg.
  • Augmentation de la densité osseuse mesurée au rachis et à la hanche (aBMD et vBMD).
  • Profil de tolérance rassurant, sans nouveaux effets indésirables graves.
  • Effets cohérents observés sur tous les marqueurs osseux, quels que soient le type d’OI.

L’essai met en lumière une réalité fréquente en recherche clinique dans les maladies rares : les critères de jugement innovants mais non validés peuvent limiter la lecture des résultats, sans pour autant remettre en cause l’efficacité réelle d’un traitement.

Malgré l’échec sur le critère principal, la cohérence de tous les résultats secondaires a permis de poursuivre le développement de setrusumab. Ainsi, deux nouveaux essais sont en cours :

  • ORBIT (phase 2/3) : 24 mois, avec la fracture comme critère principal, chez des patients de 5 à 25 ans.
  • COSMIC (phase 3) : chez des enfants de 2 à 7 ans, comparant le setrusumab aux bisphosphonates.

Par ailleurs, les progrès en modélisation de la maladie et en thérapies géniques pourraient, à l’avenir, permettre de développer des traitements sur mesure.

Pour en savoir + :  Clinical development of BPS804 for osteogenesis imperfecta: from failure to fruition?
Chapurlat R.Expert Opin Investig Drugs. 2025 Mar;34(3):105-107. 

Osteogenesis imperfecta: shifting paradigms in pathophysiology and care in children.
Stasek et al. Journal of Pediatric Endocrinology & Metabolism. 2025.  


PFMG 2025 : cartographier l’ADN pour mieux traiter

Depuis 2016, la France a lancé le Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG 2025), une initiative nationale ambitieuse visant à intégrer la médecine génomique dans le parcours de soins. Avec un financement gouvernemental de 239 millions d'euros, ce programme a établi un cadre opérationnel qui combine recherche et soins cliniques à travers le séquençage complet du génome..

Au 31 décembre 2023, 12 737 résultats génomiques avaient été transmis aux cliniciens pour les maladies rares et les prédispositions génétiques aux cancers, atteignant un taux de diagnostic de 30,6 % avec un délai médian de 202 jours pour la restitution des résultats. Les maladies osseuses et articulaires représentaient 4,4 % (831 cas) des résultats obtenus.

Le bilan du PFMG 2025 met en évidence l'importance d’un suivi médical multidisciplinaire, approfondi et équitable des patients. Les résultats soulignent également la nécessité d'améliorer encore les outils bio-informatiques et les bases de données génomiques existantes, afin de réduire davantage les délais et d’optimiser l’interprétation clinique des données obtenues.

Les perspectives futures du plan comprennent l’élaboration d’un modèle économique durable garantissant la pérennité des activités génomiques, le renforcement des liens entre recherche fondamentale et clinique, et l’amélioration de l’autonomie des patients et des professionnels de santé par une meilleure formation et information. De plus, une intensification des collaborations européennes est envisagée pour accélérer l’accès à des traitements innovants et personnalisés.

Enfin, un retour détaillé sur ce programme ambitieux sera présenté lors de la matinée de la Journée annuelle OSCAR prévue le 14 novembre 2025, afin de dresser un bilan et d’échanger sur les prochaines étapes pour la médecine génomique dans les maladies rares d’OSCAR.

Pour en savoir + : PFMG2025-integrating genomic medicine into the national healthcare system in France.
PFMG2025 contributors. Lancet Reg Health Eur. 2025 Jan 6;50:101183. 


Goxcrit : vers une nouvelle génération de greffons osseux d’origine porcine

Quand un os est cassé ou trop abîmé pour se réparer tout seul, les médecins ont parfois besoin de faire appel à des "greffons osseux" – des petits morceaux d’os utilisés pour aider le corps à reconstruire le tissu osseux. Habituellement, ces greffons viennent de l’os du patient lui-même ou d’un donneur humain. Mais ces solutions sont limitées… et pas toujours disponibles à temps...

Et si l’on pouvait utiliser de l’os d’animal, tout aussi sûr et efficace ? C’est le défi relevé par des chercheurs français à l'origine du procédé Supercrit® qui ont développé un procédé révolutionnaire appelé Goxcrit.

Goxcrit, c’est quoi ?
C’est une nouvelle méthode de traitement d’os de porc destinée à rendre ce matériau utilisable chez l’humain, sans risque d’infection ni de rejet. Grâce à un gaz transformé à très haute pression (le CO₂ supercritique), combiné à de faibles doses de solvants injectés sous pression, les tissus osseux sont nettoyés en profondeur tout en gardant leur structure naturelle intacte – un point essentiel pour que le greffon "prenne" bien.

Testé chez des rats, ce greffon a montré une très bonne intégration dans l’os, avec une régénération osseuse rapide et solide. Il a même fait mieux que certains greffons humains actuellement utilisés !

Pourquoi c’est une bonne nouvelle ?
Les greffons issus de l’os de porc sont plus facilement disponibles, tout en étant plus homogènes.

Goxcrit, pourrait répondre à une demande croissante en greffons, tout en assurant sécurité et efficacité. La prochaine étape : les essais cliniques chez l’homme !

Pour en savoir + : Purified bone xenografts: A novel and efficient animal bone substitute derived from an optimized supercritical CO2 treatment.
Rota S, Sicard L, Perarnaud J, Agniel R, Bardonnet R, Chaussain C, Boissière M, Pauthe E, Gorin C. Mater Today Bio. 2025 Mar 3;31:101619. 

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