Interview Avril 2025
ZOOM SUR LA FIBRODYSPLASIE OSSIFIANTE PROGRESSIVE …
Avril 2025
La fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP), parfois surnommée la « maladie de l’homme de pierre », est une maladie génétique très rare, qui touche environ 0,36 à 1,36 personne par million dans le monde. Elle est causée par une mutation du gène ACVR1, qui dérègle un mécanisme impliqué dans la croissance osseuse. La maladie se manifeste généralement dès l’enfance, avec des malformations des gros orteils, puis évolue par poussées inflammatoires douloureuses.
Aujourd’hui, aucun traitement ne permet de stopper complètement cette ossification anormale. Mais la recherche avance, et l’espoir renaît grâce à des essais cliniques innovants.
Le Dans cette édition, nous donnons la parole à Carla, une jeune femme atteinte de la FOP, engagée dans un essai clinique international. À travers son récit, elle partage son quotidien, ses espoirs et son choix de participer à la recherche pour faire avancer les connaissances et, peut-être un jour, changer l’avenir des personnes touchées par la maladie.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Carla, j’ai 28 ans et je vis avec une FOP, une maladie génétique ultra-rare diagnostiquée à l’âge de 2 ans, une des maladies les plus invalidantes au monde qui transforme peu à peu les tissus mous (comme les muscles) en os, formant un « second squelette ». Chaque geste du quotidien peut devenir difficile, voire impossible. Chaque patient vit une évolution différente de la maladie, ce qui rend sa prise en charge encore plus complexe.
Heureusement, j’ai toujours été très bien entourée par ma famille et mes amis. J'ai beaucoup d'autodérision, et on me dit souvent que je donne une leçon de vie. Mais vivre avec la FOP, c’est aussi être spectateur impuissant de la progression de la maladie. Les poussées sont très douloureuses, physiquement et moralement et cela impacte autant les malades que leur entourage.
Comment avez-vous entendu parler de cette étude clinique ?
Depuis toute petite, je connais l’existence de la recherche clinique. J’ai d’ailleurs déjà participé à un premier essai pendant 8 ans. Malheureusement, ce médicament n’a pas été commercialisé en France.
Alors, quand on m’a proposé un nouveau protocole, l’essai FALKON, j’ai rapidement accepté. J’avais le choix : tout arrêter ou continuer à espérer avec des résultats qui me paraissaient quand même plutôt prometteurs. J’ai choisi d’y croire !
Qu’est-ce qui vous a motivé à y participer ?
Ma principale motivation, c’est l’espoir. L’espoir d’une vie meilleure, de freiner la progression de la maladie, pour moi, mais surtout pour les générations futures. Je veux croire que d’autres ne souffriront pas autant que moi. Bien sûr, j’ai eu des doutes et beaucoup de questions se sont bousculées. Combien de temps cela allait-il durer ? Quels effets secondaires pourrais-je avoir ? Est-ce que les résultats seraient bons ?
Est-ce que ce traitement serait enfin celui qu’on attend tous, celui qui pourrait tout changer ? Mais quand on vit avec une maladie aussi imprévisible, on n’a pas envie d’attendre les bras croisés. J’en ai parlé à mes proches. Ils m’ont conseillée, soutenue, et ils savaient que la décision me revenait. C’est ma vie, mon corps, mon combat, et parce que l’espoir, malgré tout, reste plus fort que la peur.
Comment s’est déroulée votre participation ?
De mon côté, j’étais plutôt bien rodée. Ayant déjà été impliquée dans un essai clinique par le passé, je connaissais les grandes étapes du protocole et le déroulement des visites, ce qui m’a permis de m’adapter rapidement. L’enchaînement s’est donc fait de manière assez fluide. L’essai FALKON se déroule à l’hôpital Lariboisière, à Paris. Résidant en Corse, chaque visite nécessite un déplacement en avion, ce qui suppose une organisation rigoureuse et bien planifiée.
Heureusement, je ne travaille pas actuellement, et je peux compter sur le soutien constant de ma mère, qui m’accompagne à chaque déplacement en tant qu’aidante. Sa présence facilite grandement la logistique.
Ce qui fait aussi la différence, c’est la qualité de l’accompagnement. L’équipe à l'hôpital est bienveillante, attentive, disponible. Les rendez-vous sont planifiés à l’avance, et je bénéficie d’un suivi mensuel à domicile par une infirmière.
Quant au traitement, il ne présente pas de contrainte particulière : il s’agit d’un médicament à prendre quotidiennement, comme tout traitement chronique. Il nécessite cependant un minimum de rigueur, notamment lors des vacances ou des déplacements. Il est essentiel de penser à emporter la quantité nécessaire, d’anticiper tout risque de rupture, car il va de soi que l’on ne pourra pas se procurer ce traitement dans une pharmacie classique en cas d’oubli.
Recommanderiez-vous à d’autres patients de participer à une étude clinique ? Pourquoi ?
Je me sens mieux, à la fois physiquement et moralement, depuis que je participe à l’essai. J’ai vraiment le sentiment que ce traitement a un effet bénéfique sur moi. Mais au-delà de mon propre parcours, je suis consciente que cette démarche s’inscrit dans quelque chose de plus grand. En participant à la recherche, on contribue à faire avancer les connaissances, à ouvrir des perspectives pour d’autres. Quelqu’un doit bien tester, non ? Il faut que la science progresse — pour nous, et pour ceux qui viendront après.
Je mesure la chance que nous avons. Dans certaines pathologies, il n’existe aucun essai clinique, ou seulement à des stades très précoces.
Même si ce n’est pas le traitement miracle, quelle fierté ce serait de pouvoir dire qu’on a contribué à faire avancer la science, à aider les autres. Je n’ai aucun regret. J’ai simplement envie d’encourager ceux qui hésitent, de leur dire qu’il y a toujours une possibilité de faire bouger les lignes.
J’aime beaucoup cette citation : “L’espérance, c’est ce qui éclaire l’existence.” Tant que quelque chose nous pousse à aller de l’avant, il faut essayer. Si cela fonctionne, c’est formidable. Si ce n’est pas le cas, au moins on aura agi. Car ne jamais tenter, c’est se priver de toute chance de changement.
"Le mot du Pr Thomas FUNCK-BRENTANO, investigateur de l’étude FALKON"
"Carla est une jeune femme d’une ténacité et d’un courage incroyable. Son engagement dans cet essai clinique est très important pour permettre l’évaluation de cette molécule qui représente un immense espoir pour toute une communauté de patients et d’accompagnants. Nous nous devons de conduire ces recherches avec la plus haute exigence de sécurité, de qualité et d’humanité".
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